Enseigne de pèlerinage dragon

Résumé

→ Pourquoi un pèlerin du Moyen Âge pouvait-il bien arborer sur son chapeau ou son manteau l’image d’un monstre légendaire ? Le 23 février dernier, le Bureau provincial pour la protection des monuments de Lublin (sud-est de la Pologne) a annoncé dans une publication Facebook la découverte d’une rare enseigne de pèlerinage représentant un dragon ou un basilic. Mis au jour par un détectoriste anonyme à Wólka Nieliska (à 75 km de Lublin), le petit objet a été remis aux autorités en début d’année par l’archéologue Tomasz Murzyński. Réalisée dans un alliage de plomb et d’étain, cette petite plaque ajourée, de forme circulaire, mesure 2,8 cm de diamètre pour une épaisseur d’environ 1 mm. Les spécialistes n’ont pas encore pu préciser sa datation mais selon Tomasz Murzyński, elle pourrait avoir été fabriquée entre le Moyen Âge et le XVIIIe siècle. Elle représente, inscrite dans un cercle, une créature hybride aillée dotée d'une paire d'ailes, d'une queue enroulée en spirale et de pattes griffues qui peut être interprétée soit comme un dragon, soit comme un basilic, monstre légendaire de la mythologie antique et des bestiaires médiévaux associant les attributs du coq et du serpent. Ce petit objet appartient à la trop peu célèbre famille des « plombs historiés », qui comprend notamment les enseignes religieuses et profanes, les ampoules de pèlerinage ou encore les méreaux de corporations de métiers (objets monétiformes). Produites en série entre le XIIe au XVIe siècles, dans des matériaux bon marché, les enseignes de pèlerinage (du latin insigne signifiant singe, marque distinctive) étaient vendues dans toute l’Europe occidentale près des lieux saints et des sites de pèlerinage (Mont-Saint-Michel, Notre-Dame de Chartres, Saint-Léonard-de-Noblat, etc.). Les plus anciens exemplaires attestés pourraient remonter au XIe siècle et sont associés au pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les croyants faisaient l’acquisition d’enseignes en souvenir et preuve du pèlerinage effectué. Cousu ou l’épinglé sur leur vêtement, l’objet pouvait aussi servir de porte-bonheur et protéger son porteur « contre toutes sortes de maux, tels que l’agression, le vol, les maladies et autres accidents ; ils constituaient également un moyen de se distinguer et de manifester le but du voyage »,. Selon les archéologues, la créature mythologique représentée sur l’enseigne de Wólka Nieliska devait être un symbole de protection. La dimension magico-religieuse de ces objets tient, pour une part, de la portée à la symbolique de leurs images mais surtout de leur proximité avec le sanctuaire et les reliques qu’il abrite. L’enseigne se charge en un sens d’une puissance spirituelle qui lui donne un statut de quasi-talisman. Les croyants ayant pris l’habitude de jeter leurs enseignes dans les fleuves et les rivières en guise de vœux, des milliers d’exemplaires nous sont parvenus, grâce notamment aux grands travaux de dragages menés au cours du XIXe siècle. D’importantes collections ont ainsi pu être constituées qui sont aujourd’hui conservées dans des institutions comme le Musée de Londres, le musée de Cluny-Musée national du Moyen Âge à Paris ou encore le Boijmans van Beuningen de Rotterdam. Ces petites images de plomb donnent aujourd’hui aux archéologues et aux historiens de précieuses informations sur les croyances et les rituels du Moyen Âge (collection Arthur Forgeais (1822-1878)) ainsi que sur la réalité matérielle du pèlerinage médiéval. L’iconographie de l’enseigne découverte à Wólka Nieliska pourrait également être liée à la légende du bazyliszek de Varsovie. Un basilic, créature aux ailes de chauve-souris et au corps recouvert d’écailles, aurait vécu dans les ruines d’un château. Quiconque croisait son regard était aussitôt changé en pierre. Un héros (un armurier, une jeune fille ou un condamné à mort, selon les versions) parvint à terrasser le dragon en utilisant un bouclier comme miroir, retournant ainsi le pouvoir du monstre contre lui. Articles *En Pologne, un détectoriste découvre par hasard un mystérieux talisman représentant un dragon, par Agathe Hakoun & Anne-Sophie Lesage-Münch sur le site connaissancedesarts.com, 3/2024.

Informations

Date de sortie : 00/2024
Statut : Edition originale
Editeur : MUSÉE POLONAIS
Catégorie : ENSEIGNE DE PÉLERINAGE
Genre : OBJET PARTICULIER
Age : A
Biblio : N
Pages : 0
Prix : 0.00 0


Créateur(s) : ANONYME Inconnu